
Asphodèle de Villars
Qui ne connais l’Andalousie ? Séville, Grenade, Cordoue, le Flamenco… et pourtant ! L’ Andalousie occupe tout le sud de l’Espagne : de l’océan atlantique à l’ouest à la mer méditerranée à l’est. L’Andalousie orientale, ce n’est pas la méditerranée du sud, avec les célèbres stations balnéaires de la Costa del sol. Mais la méditerranée de l’est, la Costa de Almeria, dont la côte commence à Cabo de Gata pour remonter au nord vers Carboneras et Mojacar.
Ici c’est la province d’Alméria, pas de fleuve comme le Guadalquivir qui traverse la plaine de Séville, mais un « désert » : le désert de Tabernas où furent tournés un certain nombre de westerns spaghettis des années 1960. L’arrivée de l’eau courante en provenance des sierras proches (Sierra Nevada entre autres) est récente, notamment sur la côte est. Pas de grandes cultures ni d’oliviers comme dans la plaine de Séville mais un développement récent de cultures maraîchères et fruitières sous serre, sur des milliers d’hectares, entre Alméria et Nijar de part et d’autre de l’autoroute, donnant au paysage une allure de mer intérieure.

Seule similitude avec l’Andalousie occidentale : les parcs naturels nationaux préservés. C’est dans l’un d’entre eux , le parc naturel de Cabo de Gata (classé réserve de la biosphère en 1997) que je vais vous entraîner, pour découvrir toute la spécificité de la flore de cet endroit, dont la beauté fugace explose au printemps. Le nom Cabo de Gata fait référence aux agates qui étaient extraites de nombreuses mines dans la région).

Sur la route de Albaricoques à Cortijo del Fraile

Vue de Cabo de Gata sur la plage de Monsul. Derrière le cap, la plage de Genoveses et San Jose
Les paysages sont somptueux, surtout lorsque l’altitude s’élève, en particulier en bord de mer. De charmantes petites stations balnéaires se sont installées depuis une quarantaine d’années, comme San Jose au sud et Agua Amarga au nord du parc. Dans un style complètement différent de la Costa del Sol, puisque les habitations sont construites à flanc de colline sans jamais dépasser 3 ou 4 étages.

La petite station de San José au soleil levant, toute proche de Cabo de Gata
L’Andalousie orientale, haut lieu de la botanique européenne et du western spaghetti

Nous logions à Los Albaricoques, à l’Hostal rural Restaurante Alba, point de chute à partir duquel nous avons rayonné vers différents sites botaniquement intéressants.
Los Albaricoques fut en 1965 le théatre du tournage de « Et pour quelques dollars de plus », la seconde des six collaborations entre le réalisateur Sergio Leone et le compositeur Ennio Moricone. Dans le film, qui fut le plus grand succès commercial de l’histoire du cinéma italien, la petite ville d’El Paso fut construite de toutes pièces près de Tabernas. Quant à Agua Caliente, qui abrite le gang d’El Indio, le vrai nom du village était Los Albaricoques.

Tableau mural à l’hôtel ALBA représentant la scène culte du film « Et pour quelques dollars de plus », tournée à Los Albaricoques, avec Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Gian Maria Volonte.
Voir ici un blog bien illustré sur les lieux de tournages : Il était une fois au nord d’Almeria… Sur les traces de Sergio Leone et du western spaghetti
Les randonnées et la flore

Arisarum vulgare (Capuchon de moine)

Stipa tenacis-sima (Alpha) près de Tabernas
Depuis Los Albaricoques, nous nous sommes ainsi transportés vers le désert de Tabernas à l’est, Nijar, le parc naturel de Yesos de Sorbas sur substrat gypseux et la Sierra de Cabrera au Nord, le parc naturel de Cabo de Gata à l’est et son somptueux bord de mer ainsi que la zone côtière entre Almeria et les salines au sud.
Beaucoup de plantes déjà rencontrées dans les sierras d’Andalousie occidentale, mais aussi beaucoup d’endémiques et d’espèces très rares, voire disparues en France. Nous découvrirons également des espèces nord africaines en limite d’extension ainsi que de nombreuses espèces adaptées à la sécheresse estivale. Cette zone est une des plus arides d’Europe occidentale : ensoleillement maximal (2965 h/an à Almeria) et très faible pluviométrie (200 mm par an à Almeria, 250 mm à Tabernas et seulement 155 mm à Cabo de Gata, probablement le point le plus sec d’Europe).
Cliquer sur le nom du secteur (en vert) pour découvrir les diaporamas.
Diaporama : Entre Cabo de Gata et le Cerro de Vela Blanca
Les endémiques de Cabo de Gata

Muflier – Antirrhinum charidemi Lange

Muflier – Antirrhinum charidemi Lange
Muflier vivace disposé en coussins souvent implantés sur des parois rocheuses. Ce muflier à grandes fleurs est communément appelé Dragoncillo del Cabo. Vu sous un certain angle, les fleurs ressemblent effectivement à un dragon. Il existe également un œillet endémique sur le même site : Dianthus charidemi, que nous n’avons pas vu, car à floraison plus tardive.
Diaporama : Les plages de Monsul et Genoveses
Deux des plus belles plages entre Cabo de Gata et Carboneras. La très grande plage de Genoveses est toute proche de San Jose et la fantastique plage de Monsul fait face au Cerro et à la tour de Vela Blanca. C’est sur la plage de Mónsul, que Steven Spielberg a réalisé la scène d’Indiana Jones et la dernière croisade, dans laquelle Sean Connery effraie des mouettes avec son parapluie pour abattre un avion allemand.

Plage de Monsul – Cerro et tour de Vela Blanca au fond

Carraluma d’Europe
Caralluma europaea (Guss.) N. E. Br
Le Carraluma est une plante très originale que nous avons également observée dans le désert de Tabernas. A première vue, ressemblant à un cactus mais botaniquement cousine de la pervenche (Apocynacées). Sa floraison est très fugace. Il s’agit d’être présent au bon moment et avoir l’œil averti pour la capter !
L’Ammochloa de Palestine très rare également a été observée sur la plage de Genoveses.

Ammochloa de Palestine
Diaporama :La plage de Playazo (Rodalquilar)


C’est par un chemin de terre de 3km, depuis Rodalquilar (la ville aux vestiges miniers), que nous accédons à la paisible et magnifique plage de Playazo. Gardée d’un côté par le château de San Ramon, elle déploie ses magnifiques eaux cristallines de l’autre côté aux abords d’une dune fossilisée.

- Mauve à petites fleurs – Malva parviflora L., 1753
Diaporama : Los Escullos

Dune fossile érodée par le vent marin

Ficoïde à cristaux
Mesembryanthemum crystallinum L., 1753, au délicieux goût d’huitre…
Ancien hameau de pêcheurs le site de Los Esculos est constitué de deux splendides plages séparées par une dune fossile. Nous retouverons d’ailleurs dans les anfractuosités de la roche calcaire la magnifique petite Linaire à feuilles grasses (Chaenorhinum crassifolium (Cav.) Lange) qui apprécie particulièrement ce genre de substrat.

Linaire à feuilles grasses (Chaenorhinum crassifolium (Cav.) Lange), sur son substrat rocheux
Diaporama : El Retamar, entre Almeria et San Miguel de Cabo de Gata

Cynomorium écarlate « Champignon de Malte »
Cynomorium coccineum L., 1753
Le Cynomorium écarlate, encore appelé éponge ou champignon de Malte, est une plante étrange qui semble se développer à proximité des chénopodiacées aimant le sel (Obione, Arroche faux pourpier). Il parasite aussi les tamaris, salsola et limonium. Seule représentante de sa famille, comme les orobanchacées, cette plante n’apparaît qu’à la floraison sous la forme d’une inflorescence dense constituée de milliers de petites fleurs rougeâtres. On la trouve au sud de l’Espagne et du Portugal, en Corse, Sardaigne, Sicile, Malte, Tunisie, Maroc, Sinai, Palestine, Iran et Asie Centrale.
Diaporama : Entre Albaricoques et Cortijo del Fraile



Le magnifique Pavot cornu (Glaucium corniculatum (L.) Rudolph, 1781)
La petite route encailloutée nous menant d’Albaricoques à Rodalquilar fut le lieu d’une exploitation minière intense au siècle dernier (mines d’or en particulier), dont les installations de Rodalquilar en sont encore les témoins. Un peu à l’écart l’ancienne ferme de Cortillo del Frail fut au centre d’évènements tragiques qui se déroulèrent une nuit de 1928, ayant inspiré l’écrivain Federico García Lorca lorsqu’il rédigea ses « Noces de sang ». Plus récemment cette ferme a été utilisée pour le tournage du dernier film de la trilogie du dollar de Sergio Leone: « Le Bon, la Brute et le Truand » en 1966 (la mission du Père Ramirez dans le film). La flore se développant dans les parties plus ou moins cultivées est également d’une très belle diversité.

Oliviers pluri-centenaires, friches et massifs miniers.
Diaporama : Nijar, Huebro et la Sierra de Alhamilla
La ville d’origine Arabe de Nijar est blottie sur les pentes méridionales de la Sierra Alhamilla. Elle s’ouvre sur la plaine couverte de serres et traversée par l’autoroute qui, du nord nous mène vers Almeria et la Costa del Sol.

Terrasses cultivées entre Huebro, blottie au fond de la Sierre Alhamilla, et Nijar

Linaire verticillée(Linaria verticillata Boiss.)

Huebro, petite ruelle sortant du village.
La ville de Nijar, d’origine Arabe, est blottie sur les pentes méridionales de la Sierra Alhamilla. Elle s’ouvre sur la plaine couverte de serres et traversée par l’autoroute qui, du nord nous mène vers Almeria et la Costa del Sol.
L’étroite route qui serpente jusqu’à Huebro, petit village typiquement andalou accroché à la Sierra dominant Nijar, permet d’observer les cultures en terrasses irriguées. L’ancien système d’arrosage d’origine arabe utilisant les moulins y est conservé. La flore présente sur les flancs de la sierra nous a permis d’observer de magnifiques espèces peu fréquentes comme la Linaire verticillée ou le Fumeterre à neuf folioles.

Fumeterre à neuf folioles (Sarcocapnos enneaphylla (L.) DC., 1821)
Diaporama : De Nijar à Sorbas

Cistanche (spécimen blanc violacé)

Cistanche (Cistanche phelypaea (L.) Cout., 1913)
De belles découvertes tout au long de cette petite route serpentant jusqu’à la jonction avec la nationale Tabernas Sorbas. Juste le temps de s’arrêter avant Sorbas sur une terrasse haute du lit du rio Aguas pour un pique-nique bien mérité… puisqu’une magnifique éclosion de Cistanches nous attendait !
Les Cistanches sont de magnifiques Orobanchacées de grande taille parasites des Chénopodiacées. D’un jaune éclatant, mais selon les substrats elles peuvent prendre des teintes allant du blanc violacé à des teintes plus sombres.

Pique-Nique sur une terrasse du rio Agua
Diaporama : Le parc naturel des Yesos (Carrières de gypse) de Sorbas

Carrière de gypse à ciel ouvert près de Sorbas

Linaire d’Aragon –
Linaria oblongifolia subsp. aragonensis (Lange) D.A.Sutton

Petite linaire à grandes fleurs
Chaenorhinum grandiflorum (Coss.) Willk. subsp. grandiflorum
Une flore spécifique s’est développée dans cette région d’où l’on extrait le gypse d’impressionnantes carrières : les Yesos. C’est une région riche en grottes façonnées au cours des siècles par les pluies dans un système géologique karstique. Des espèces se sont adaptées à ce substrat particulier, qui serait nocif pour bien d’autres. C’est le cas de l’Hélianthème faux-Alypum, de l’Ononis à trois dents, très lignifié ou de la minuscule Linaire d’Aragon poussant directement sur la roche mère du gypse.

Narcisse a feuilles vrillées (Narcissus tortifolius Fdez. Casa)
Diaporama : Le désert de Tabernas – Randonnée du 22 mars matin
La zone de Tabernas, que l’on désigne communément maintenant comme le désert de Tabernas, doit son nom à des paysages ressemblant fortement à ceux des déserts de l’ouest américain ou ceux d’Afrique du nord. La faible population installée et la faible pluviométrie (250 mm par an) amplifient ce phénomène. Remarquons néanmoins que la pluviométrie à Alméria n’est que de 200 mm… et 155 mm à Cabo de Gata ! Ce site acquit une certaine notoriété à la suite du tournage de films à succès comme « Un taxi pour Tobrouk » de Denys de la Patellière à la fin des années 1950, puis les westerns de Sergio Leone dans les années 1960.

Moricandie fétide – Cistanches en arrière plan

Euzomodendron de Bourgea
La flore est celle des climats semi arides, dans les zones basses (autour de 400 m d’altitude), avec une saison sèche en été. Elle n’en reste pas moins ultra spécifique, très adaptée à la sécheresse notamment au niveau de leur port. On peut citer quelques rencontres intéressantes comme cette jolie brassicacée ligneuse, endémique de la région d’Almeria : Euzomodendron bourgeanum Coss. Mais aussi Moricandia foetida Coss, Senecio flavus (Decne.) Sch. Bip, ou Pallenis hierichuntica (Michon) Greuter…

Seneçon jaune – Senecio flavus (Decne.) Sch. Bip.
Diaporama : Tabernas, au pied de la Sierra de Alhamilla

Sclerocephalus arabicus Boiss
Petite après midi mais grande découverte : Sclérocephalus arabicus, une Cariophyllacée non encore décrite en Europe. Elle est par contre souvent décrite dans le Sud ouest Marocain, le Sahara, Djibouti, le Qatar, en Syrie…
Diaporama : Campo de Tabernas
Dans un paysage plus plat et plus ouvert, plus propice aux annuelles… avec un véritable festival de Linaires.

Linaire noircissante – Linaria nigricans Lange

Linaire des champs Linaria arvensis (L.) Desf., 1799

Linaire – Linaria oligantha Lang

Grosse levée de Linaire noircissante
Diaporama : Sur les hauteurs de San José

Glaïeul douteux
Gladiolus dubius Guss., 1832

Réséda blanchâtre
Reseda undata subsp. leucantha (Hegelm. ex Lange) Arénega ex Valdés

Asphodèle de Villars
Asphodelus macrocarpus Parl., 1857
= Asphodelus villarsii Verl., 1860

« Prairies » à Stipe du Cap – Stipella capensis (Thunb.) Röser & Hamasha, 2012